mardi 29 décembre 2015

Pourquoi la régulation du marché du lait par le prix ne fonctionnera pas en Europe

Les prix sont actuellement très bas en Europe et pourtant la production ne baisse pas( http://m.franceagrimer.fr/content/download/41708/389405/file/TDB-LAI-produits-A15-S51.pdf).

Phil Hogan s'en étonnait d'ailleurs presque récemment, expliquant que le prix n'était pas si mauvais puisque les producteurs ne baissaient pas leur production.

L'exemple ci-dessous, simplifié à l'extrême, montre que ce n'est pas surprenant:

Exploitation de 500 kl avec 40 000 EUR d'annuités. 

A 350 EUR/1000 l , admettons que son EBE est de 75 000 EUR. Le disponible est donc de 35 000 EUR.

A 270 EUR, on a (350-270)*500kl=40 000 EUR de manque à gagner. Non seulement l'exploitant ne couvre plus ses besoins privés, mais il manque 5 000 eur pour couvrir ses annuités.

Loin de diminuer sa production (il peut vendre 5 000 EUR d'animaux par exemple, mais il compromet ses moyens de production durablement), il va chercher à produire plus pour récupérer ces 5000 EUR.

Selon ses possibilités (référence laitière, places en bâtiment), il va agir sur 2 axes:

1. Si son coût alimentaire marginal (c'est à dire permettant de produire plus de lait par vache en augmentant le concentré de production) est de 200 EUR les 1000 l il va chercher a produire 5000/(270-200)=71 kl de plus... difficilement envisageable, mais le plus il produit, le plus il comble son déficit

2. En augmentant l'effectif de vaches par décalement de réforme, avec un coût alimentaire de base de 120 EUR, on a 5000/(270-120)=33 kl de plus... déjà plus réalisable.

Par ces 2 voies il va chercher à limiter les dégâts. Sa trésorerie va continuer à se dégrader mais moins que s'il baisse sa production, sa banque pouvant lui ouvrir une ligne de crédit court terme.

Donc pas de baisse des volumes produits à envisager à ces niveaux de prix, au contraire, même si l'équilibre financier de l'exploitation est déjà fortement compromis! Il faudrait que le prix baisse encore beaucoup plus, largement sous les 200 EUR, pour que l'exploitant aie intérêt à produire moins.

Et dans ce cas, les annuités ne seraient plus remboursées du tout. On voit donc qu'une trésorerie dégradée ne provoque pas de baisse de production, au contraire, seule la faillite ou l'abattage massif de vaches permet d'arriver à ce résultat en cas de prix bas. Il faut aussi constater que dans la situation actuelle, vendre son exploitation est quasiment impossible, la rentabilité étant nulle voire  négative et les banques refusant de financer la reprise.

Voilà notre outil de régulation pour le moment, les survivants dégradant leur propre situation et causant la disparition des plus faibles.

Aux Pays Bas, FrieslandCampina met en oeuvre une partie du projet PRM de l'EMB avec son augmentation de 2cts par l sur toute la paie de lait si diminution du volume produit en début d'année 2016. Mais jusqu'à quand la coop pourra financer cela.

ET SURTOUT les producteurs néérlandais avec leur endettement très élevé n'ont aucun intérêt à diminuer leur production tant que leur coût opérationnel est inférieur au prix payé, voire ils ont intérêt a augmenter leur production tant que leur coût marginal est inférieur au prix payé.

Dans nombre de pays la taille des exploitations a augmenté, la productivité aussi, les contraintes environnementales aussi, et donc l'endettement est partout conséquent. Les prix bas ne provoqueront donc pas une baisse de production mais nourriront la surproduction jusqu'à causer des dommages irréparables à la filière laitière en Europe. Plus les charges fixes sont élevées, moins le marché se régule par le prix, au contraire.

Réinventons des outils intelligents de régulation de la production!

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