Je le dis d'emblée, le titre est évidemment une ânerie, je l'ai choisi uniquement pour qu'on lise mon article...
Mais ce pourrait rapidement devenir une vérité si une reprise de conscience massive ne se fait pas.
Pourquoi une maison ici vaut beaucoup plus ou beaucoup moins qu'une maison ailleurs? Justement parce qu'elle est ici et pas ailleurs!
Le
discours rabâché à l'envie sur la mondialisation, le lait devenant une
"commodity", matière première interchangeable, la supposée nécessaire
course à la compétitivité, à l'adaptation, nous ont fait oublier, et même
renier, une donnée essentielle: la richesse du paysage laitier français,
l'extrême diversité de notre plateau de fromages, de nos spécialités de
produits frais, de nos desserts lactés et même de nos laits de
consommation. Nous avons oublié cet immense attrait auprès des
consommateurs français bien sûr, mais aussi des consommateurs du monde
entier.
Et cette richesse est issue de chaque cour de ferme
laitière française, inscrite dans chaque stabulation, gravée sur tous
les chemins à vaches de France. Et on s'évertue à l'effacer.
Comment
négocier un prix meilleur, comment faire reconnaître la plus-value de
notre lait, comment même s'organiser efficacement si nous ne sommes pas
convaincu de la valeur de notre production?
Et cette valeur, elle
saute aux yeux, elle est connue de tous, elle est vantée dans tous les
magazines d'art de la table du monde, et ce serait nous, les producteurs
à l'origine de cette valeur, qui nous en détourneraient?
Bien
sûr les Appellations d'Origine Contrôlée, les Labels ont une place
primordiale dans le tableau laitier de France, mais chaque camembert non
AOC, chaque pot de cancoillotte, chaque motte de beurre breton, chaque
verre de lait de montagne orne tout aussi dignement de ce tableau.
Si
on se laisse convaincre, absurdement, que tous ces produits peuvent
être élaborés ailleurs, ou avec du lait venant d'autres régions du
monde, alors effectivement il faut accepter ce prix mondial
que tous les industriels français brandissent, il faut se résigner à ce
qu'une grande partie des producteurs disparaissent, il faut abandonner
la belle idée de l'union et de l'organisation professionnelle et
choisir, pour les rares qui le peuvent, le chacun pour soi compétitif.
Mais je n'ai pas encore vu du camembert néo-zélandais ou du lait de montagne des plaines polonaises.
Les
démarches de vente en direct d'une production locale sont
passionnantes, elles défendent très bien les spécificités françaises.
Mais la revendication de ces spécificités a tout autant sa place dans
chaque canal de distribution: rayons de grande surface, assiette dans un
restaurant d'entreprise ou une cantine, frigo dans une épicerie de luxe
américaine ou dans le biberon d'un nourrisson chinois.
Cet
oubli, cette négation de nos atouts, embrume les esprits jusque dans les
conseils d'administration des coopératives, et provoque des prises de
décisions allant parfois à l'encontre de nos richesses.
Les
grands industriels eux sont parfaitement conscients de cet immense
avantage que sont nos traditions, mais ils s'acharnent à nous les faire
oublier, croyant pouvoir élaguer un peu le bel arbre des producteurs et
récolter ses beaux fruits au prix mondial.
Dans
la professions, certains par résignation, par fatigue, d'autres par
fascination pour la supposée réussite d'autres systèmes dans le monde,
sont aussi prêts à accepter ce diktat, à se laisser déposséder de cette
héritage, à accepter le joug du prix mondial.
Mais notre maison
n'est pas dans le désert australien, dans la pampa argentine ou au
milieu du Pacifique, et Paris n'est pas Austin au Texas. Nous avons
d'immenses atouts, et nous les avons tristement oubliés, nous allons
bientôt les renier.
Et proclamer ceci n'est en nulle façon avoir peur de l'autre ou dénigrer les productions étrangères,
mais simplement être conscient de nos forces, pour pouvoir s'organiser
sereinement, avec détermination. On pourra ainsi exiger et obtenir notre
part légitime de la valeur ajoutée réalisée par la filière laitière
françaises, dont les fleurons ne se sont jamais aussi bien portés, et ainsi conforter l'avenir de cette filière.
Redécouvrons qui nous sommes, et ce que nous produisons! Retrouvons la Fierté de traire et revendiquons le Plaisir que notre lait procure!
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