samedi 4 novembre 2017

Lait: Segmenter sans Diviser!

La segmentation du marché du lait est bien en cours, mais parfois dans des conditions dont la transparence laisse à désirer pour les éleveurs laitiers en général, et pas seulement pour les producteurs livrant ce lait "segmenté".

Les premières segmentations du marché du lait sont bien sûr les AOC/AOP et le lait BIO, des distinctions à présent bien perceptibles par le consommateur.

Plus récemment, d'autres démarches cherchant à donner une plus-value à un lait conventionnel sont apparues, utilisant des critères assez différents: brique de lait équitable, durable, sans ogm, local, correspondant aux attentes du consommateur, etc...

Une crainte, bien légitime, est exprimée par beaucoup d'éleveurs concernant:
1. Le niveau de valorisation supplémentaire apportée par ces nouvelles segmentations du lait
2. Le sentiment que le lait conventionnel, soit l'immense majorité des volumes, et on pourrait même dire le "lait tout court", est laissé à l'écart de cette valorisation, voire dévalorisé.

Il faut donc bien discerner le supplément de prix directement perçu par les éleveurs produisant ces laits, la marge supplémentaire qu'en tirent transformateurs (coopératives ou privés, cela a son importance) et grande distribution, et le retour, ou non, à TOUS les producteurs, même ceux ne participant pas directement à ces démarches.

Coopératives et Lait "segmenté"

Dans le cas d'une coopérative, le producteur de lait livrant du lait "segmenté" percevra directement un supplément de prix. La coopérative de son côté commercialisera ce lait en dégageant une marge supérieure vs. un lait conventionnel, espérons-le, même s'il lui coûte un peu plus cher à l'achat. Cette marge supplémentaire lui permettra, espérons le encore, d'octroyer une ristourne plus élevée à TOUS ses adhérents, y compris ceux qui livrent un lait standard. Cette péréquation doit être la plus transparente possible, afin d'assurer un climat serein parmi tous les coopérateurs, quelque soit le lait qu'ils livrent!


Prenons un exemple de la répartition du prix du lait par la consommateur à tous les acteurs de la filière:



Pour un lait "segmenté" vendu 20 cts plus cher, et en admettant que coopérative et GMS conserve le même ratio de répartition du prix final, et en prenant le supplément de prix généralement perçu par les producteurs volontaires de ce type de démarche, on obtient:



Les marges transformateurs et GMS sont très contestables à ratio de prix final constant, car le coût supplémentaire de ce lait "segmenté" est presque entièrement à la charge de l'éleveur, le transformateur n'ayant que des charges supplémentaires minimes de collecte, de chaîne de mise en brique et de marketing, la GMS n'ayant aucun frais supplémentaire.

Question 1: le supplément de prix de 1,5 à 2 centimes pour les producteurs participant à cette démarche est-il suffisant?

Question 2: les marges des transformateurs, et a fortiori des GMS, doivent elles être plus importante sur le lait "segmenté" que sur le lait conventionnel?

Question 3: que doit il advenir du reliquat, soit dans notre exemple près de 5 centimes, une fois la valeur répartie? Ne doit-il pas être redistribué à tous les producteurs de la coopérative, soit sous forme d'un prix de base plus élevé, soit sous forme de ristournes transparentes?

Transformateurs privés et lait "segmenté"

Dans le cas d'un transformateur privé, le schéma est le même, sauf qu'il n'y a pas de ristournes! La marge supplémentaire intègrent directement les bénéfices, et donc les dividendes. Il est donc essentiel que les Organisations de Producteurs négociant globalement le prix du lait avec ces laiteries soient associées à ces démarches, et s'assurent que TOUS les producteurs profitent de cette segmentation via un prix du lait plus élevé pour le lait "standard".

Enjeux et dangers de la segmentation

 Si la segmentation est à l'évidence génératrice de valeur ajoutée pour la filière, encore faut-il qu'elle ne se fasse pas (trop?) au détriment de l'image du lait conventionnel.

Encore faut-il que la valeur créée soit bien répartie, et non pas captée par l'aval, ce qui serait totalement contraire aux exigences sociétales, au cap fixé par les Etats Généraux de l'Alimentation et aux engagements pris par toutes les parties, du moins publiquement.

Encore faut-il que cette segmentation ne soit pas source de division parmis les producteurs, certains ne percevant aucun bénéfices des avancées de la filière, d'autres ayant l'impression d'en porter toute la charge sans en recevoir la juste contrepartie. Un dialogue franc entre les producteurs, au sein des OPs et des coopératives, afin de décider de la juste clé de répartition de cette valeur de segmentation.

Le danger étant une balkanisation aggravée du paysage laitier français, et à terme une perte totale de cette valeur ajoutée, transformateurs et GMS étant encore plus renforcés face à de petits groupes de producteurs divisés et à une image du lait, de tout le lait, détériorée.


Et si des Organisations de Producteurs Commerciales doivent voir le jour, l'enjeu est encore plus crucial!

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