samedi 21 octobre 2017

La Formation du Prix Du Lait, Live!

Mes chers amis, certains astrophysiciens attendent toute une vie pour avoir la chance inouïe d'observer la mort d'une étoile et la naissance d'une super nova, ce qui est la même chose.

Dans une autre voie lactée, nous aussi, braves laitiers, avons aujourd'hui le bonheur teinté d'extase d'être témoin d'un phénomène au combien fugace, celui de la Formation du Prix du Lait.

Lactalis lance "L'Appel des Prés"!

http://www.fhcom.net/uploads/pressactu/1507192881-dplactelappel.pdf


Un lait sans OGM, avec 200 j de pâturages et plein d'autres bonnes petites contraintes pour l'éleveur.

A noter qu'il est demi écrémé, et que son prix est de 1.15 EUR le litre.

Hors le Lactel 1/2 écrémé classique de Lactalis est vendu environ 0.90 et 1 eur le litre.

Soit de 15 à 25 cts de différence!


A noter que les qualités supplémentaires annoncées du lait "Appel des Prés" proviennent exclusivement du producteur.

Magnifique, nous sommes témoin d'une réelle création de Valeur Ajoutée!

Naïfs que vous êtes, mes petits laitiers béotiens!

Les producteurs sélectionnés toucheront très exactement 1 centime de plus par litre, soit 10 EUR les mille litres!


Donc en apportant TOUTE l'innovation et la qualité supplémentaire, ils ne récupèrent que 5% de la valeur créée, Lactalis et la Grande Distribution s'arrogeant les 95% restant, sans rien faire.

Quel miracle de voir le levier dans tous ses effets, l'aval se gaver, et nous chanter en choeur
"Prends 20, et donne moi 1"
Profite bien, et ne partage rien!


Lumineux!

Lactalis vient de démontrer qu'il pouvait aisément payer du lait "Sans OGM ET Local" 450 Eur les mille litres, au lieu des 330 Eur actuels, et s'il le faisait il pourrait rajouter "Equitable"!

Et les autres laiteries? Et pour le beurre, la crème, les yaourts, les pâtes molles, cuites, à tartiner, etc... ?

dimanche 15 octobre 2017

Le buffet présidentiel de Rungis: On se sert?

Le discours que le Président Macron a servi au monde agricole à Rungis est riche de promesses, de belle présentation, voulant sans doute plaire à tous les palais.

Au risque de faire tourner de l’œil les moins préparés à un tel festin, ou de rendre les pessimistes soupçonneux de la fraîcheur des mets.

Une certitude: si les agriculteurs ne se mettent pas à table, et avec entrain, ils resteront une nouvelle fois, paradoxe pour des producteurs de nourriture, le ventre vide.

Bien des observateurs dénoncent déjà les mesures annoncées comme vaines, contradictoires, de pure forme. Mais ils semblent tenir pour acquis que les agriculteurs resteront cantonnés dans leur position de faiblesse, irrémédiablement.

Alors attaquons sans attendre par le plat de résistance.

"Nous modifierons la loi pour inverser cette construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production"

Il est évident que cette loi n'a d'intérêt que si elle résulte dans une réelle et suffisante hausse des prix. Il ne doit pas seulement s'agir d'une référence indicielle dans une formule à nos coûts de production.
Nos prix de vente doivent permettre de rémunérer notre travail en tout temps.
Au corps législatif d'y veiller.
A nos organisations de rédiger nos contrats de vente.
 
"Nous devons avoir des résultats probants avec de véritables organisations de producteurs commerciales pour le lait, par exemple."

C'est la proposition phare du président permettant de renforcer les organisations de producteurs, de leur donner les outils pour leur garantir de tenir leur place dans la filière, les interprofessions: leur redonner enfin la maîtrise de l'acte de vente, de la gestion des volumes.
Aux producteurs de vendre leur lait, aux transformateurs de le transformer en produits laitiers, aux circuits de distribution de les vendre aux consommateurs.
Chaque maillon doit conserver sa juste part de la valeur de cette chaîne, doit être en mesure de le faire lors des négociations.

"Je suis favorable au relèvement du seuil de revente à perte économique pour les produits alimentaires et à l’encadrement des promotions afin que le juste revenu aux producteurs soit garanti".

Cette mesure est décriée comme vaine par certains qui pensent que les transformateurs conserveront ces gains sans les redistribuer aux producteurs.
C'est bien le coeur du problème de la construction du prix, SRP ou non. Quelle part revient aux producteurs? Quelle vérité quand on leur rétorque: "On ne peut vous payer plus cher, c'est ainsi".
Des organisations de producteurs commerciales fortes, mieux informés et mieux formées seront à même de chercher la juste valeur, de la négocier, de l'exiger.
Et ce relèvement du SRP, qui bénéficiera aux coopératives de transformation bien entendu, devra mécaniquement être reversé aux producteurs, soit via un prix plus élevés, soit via les ristournes permises par les résultats économiques améliorés des coopératives.
 
"Si nous sommes responsables collectivement, vous avez votre part de responsabilité derrière la réforme que le gouvernement est prêt à porter"

Nous, agriculteurs, ne pouvons plus nous abandonner à la résignation, l'aveuglement au travail. Nous avons le droit d'être sévères envers ceux qui captent la valeur de notre travail, mais nous n'avons plus le temps de nous y complaire.

Nous avons donc le devoir de nous organiser, de rédiger attentivement nos contrats de vente, de définir nos prix de vente, de nous informer au mieux, grâce à la transparence imposée à nos acheteurs, d'imposer nos conditions autant que l'Autorité de la concurrence nous le fera savoir avec pédagogie.

En parallèle les coopératives ont désormais le devoir de partir du coût de production des coopérateurs, qui leur ont délégué, par statut, le pouvoir de vente de leur production, pour déterminer le prix d'achat des matières premières.
Elles ont le devoir de généraliser l'aspect équitable, juste, pérenne dans leur choix de transformation et de commercialisation.
Elles ont un devoir réaffirmé de transparence et de démocratie dans leur gouvernance, d'avoir toujours comme premier objectif la meilleure valorisation possible de la production des coopérateurs.
Rappelons que les coopératives collectent et transforment presque la moitié du lait en France.

Nous avons le choix de la résignation, puis du silence, ou de l'organisation en saisissant et prenant au mot les promesses présidentielles faites à Rungis.
A nous de montrer notre détermination pour l'avenir, au Président et à son gouvernement de nous fournir le cadre législatif et les outils de négociation promis.

vendredi 6 octobre 2017

C'est Qui Les Trompés?



A la veille de la remise des conclusions des Etats Généraux de l'Alimentation, et en particulier de celles de l'atelier 5 " Rendre les prix d’achat des produits agricoles plus rémunérateurs pour les agriculteurs ", la communication d'Audrey Bourolleau, conseillère à l'Agriculture du Président E. Macron ne laisse pas d'inquiéter!

https://twitter.com/A_Bourolleau/status/915550975850635265

L'initiative "C'est Qui Le Patron?", qui a partir d'un cahier des charges défini en collaboration avec les consommateurs, et dont les critères de production restent tout à fait raisonnables, permet de rémunérer les producteurs-livreurs à hauteur de 39 cents le litre de lait, est extrêmement intéressante. D'ailleurs toute autre démarche, comme celle de FaireFrance, donnant une place centrale au caractère équitable du lait et des produits laitiers  est essentielle pour résoudre l'équation du juste prix du lait et du rapport de force très déséquilibré entre producteurs, transformateurs et grande distribution/restauration hors foyer.

La démarche "C'est Qui Le Patron?", assortie d'une communication participative judicieuse, a permis de vendre 22 millions de litres de lait en grande surface en un peu moins d'un an... Pendant ce temps, ce sont plus de 24 milliards de litres de lait qui ont été produits en France!

Comment alors se prévaloir "d'un engagement de campagne tenu" concernant le prix du lait, alors que:
* la démarche est bien antérieure à l'élection présidentielle et toute action gouvernementale
* par conséquent elle ne doit (encore) rien à l'action présidentielle
* enfin elle ne concerne que 1 millième de la production française de lait.

Ce n'est pas la rencontre, très heureuse mais au périmètre très restreint, de brillants spécialistes du marketing et de quelques dizaines de producteurs en difficulté, puis de sa récupération politique à point nommé, les #EGAlim, qui va améliorer le prix du lait et changer la donne pour les 99.9% restants parmi les producteurs de lait en France!

Le gouvernment se croit-il capable d'imposer la logique équitable, d'un coup d'un seul, à tous les transformateurs de lait et à toutes les enseignes de la grande distribution, alors même que ce qui transparaît des débats de l'atelier 5 montre à quel point il est difficile de convaincre que le prix doit être juste, que la valeur doit être mieux répartie?

Ou alors il ne s'agit que de mettre, en figure de proue, une marque se définissant comme vertueuse pour cacher la misère sur les bancs de nage de la galère qu'est devenue la filière laitière?

C'est Qui Les Trompés?

#CeuxQuiFontLeLait, mais qui n'auront pas su faire entendre leur voix, faire comprendre l'impasse économique où ils se trouvent, faire passer ce message d'équité, mais d'une seule voix, en rang serrée, tous ensemble!