vendredi 29 janvier 2016

Lettre de soutien à la loi sur la compétitivité agricole

Mesdames, Messieurs les Députés de la Commission des Affaires Économiques,

J'ai lu avec attention le compte rendu de la Commission des Affaires Économiques se réunissant pour discuter de la loi sur la compétitivité agricole le mercredi 27 janvier.

Je suis éleveur laitier dans les Côtes d'Armor sur une exploitation de 60 hectares et 40 vaches.

L'article 1er de la loi me semble le plus important. Actuellement, si la formule de calcul du prix du lait proposée par le CNIEL comporte de multiple composants qui prennent en compte le contexte international, aucun ne porte sur les coûts de production. De plus, cette formule n'est tout simplement plus suivie par les laiteries, malgré ce qu'elles peuvent prétendre.

Il faut comprendre que la contractualisation dans la filière laitière a été initiée alors que les Organisations de Producteurs existaient à peine, et étaient très dispersées. Ce sont les laiteries qui ont écrit et proposé les contrats, et les producteurs n'ont eu d'autres choix que de les signer, en position de faiblesse.

Il est impératif de rétablir un rapport de force dans les négociations, l'atomisation des producteurs étant bien trop grande face à leurs acheteurs. Je rappelle que nos vaches doivent être traites 2 fois par jour, le lait ne peut être stocké plus de 2 jours sur la ferme. Notre lait doit être produit et vendu aussitôt. Nous sommes par nature captifs de nos laiteries. Aujourd'hui elles seules décident des volumes à produire et du prix à payer, qui nous est communiqué le 10, le 15 ou le 20 du mois!

Tenir compte des coûts de production dans les contrats ne serait en aucun cas une contrainte pour les producteurs, mais un formidable outil de négociation.

Il est par ailleurs essentiel de favoriser le regroupement des producteurs au sein d'organisations beaucoup plus larges pouvant réellement négocier les prix avec les laiteries, et non pas seulement les avaliser.

Je vous prie donc instamment de reconsidérer votre position sur cette loi. La situation est extrêmement grave dans nos exploitations, une grande majorité d'entre nous puisent dans les dernières réserves qui nous restent sans se prélever de revenu, et ce depuis 1 an déjà. Cela ne saurait durer plus longtemps. Il en va de la sécurité alimentaire de la France.

Je vous prie d'agréer, Mesdames, Messieurs les Députés, l'expression de mes salutations distinguées.

Gwendal RAOUL

mercredi 20 janvier 2016

A French dairy farmer's letter to Mr. Phil Hogan

Mr. Phil Hogan

The dairy farming sector is suffering one of its harshest and forseeably longest crisis ever. Most analysts agree european overproduction of milk, made worse by very diminished chinese imports and the effects of the russian embargo on dairy products, is to blame.

This overproduction is the direct result of the brutal end of european milk quotas in April 2015 and the total absence of concerted regulation of milk production thereafter.

Anticipating the end of quotas, european dairies have massively invested in milk powder processing plants which are simply churning out to much milk powder for the world market to absorb.

Farm gate milk prices are falling, and milk production is not. This is because, individually, most dairy farmers are ramping up their deliveries to cover their fixed costs. The milk market will only regulate itself in the short to mid term through numerous bankrupcies of family-owned dairy farms. This is not acceptable.

Consumers need a steady source of quality dairy products at the right price. Dairy farmers need to be paid their fair share for adequate deliveries of milk. Dairies must be able to process this milk efficiently and sell the dairy products Europe and the world need, not all the milk our cows can possibly produce, and then more.

Access to hedging instruments, more public financial aids are not the answer. Nor is going back to strict quotas.

The only answer to overproduction of milk is smart regulation combining coercive public measures and proper market analysis and organisation. Dairies must be able to provide up-to-date information to dairy farmers about the volumes of milk they require, and dairy famers must be able to organise themselves collively to decide how these volumes are to be produced. Without european public intervention, this will not be possible.

Dairy farming is about food security but also about the landscape of huge parts of the european countryside, the future of the families producing milk seven days a week all year round and the rural economic activity they generate.

Please do not give up on family-run dairy farms!

Yours sincerely,

Gwendal Raoul

A dairy farmer in Brittany, France.

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M. Hogan,

Le secteur de la production laitière traverse l'une des pires et sans doute des plus longues crises de son histoire. La plupart des analystes s'accordent pour dire que la surproduction européenne, aggravée par la baisse des importations chinoises et les effets de l'embargo russe, en est la responsable.

Cette surproduction résulte directement de la fin des quotas ayant brutalement pris effet en avril 2015, et l'absence totale de régulation concertée de la production de lait depuis.

Anticipant la fin des quotas, les laiteries ont massivement investi dans des tours de séchage qui produisent tout simplement beaucoup plus de de poudre de lait pour que les marchés ne peuvent en absorber.

Les prix du lait, départ cour de ferme, sont en chute libre, mais la production de lait augmente. Individuellement, la plupart des producteurs livrent plus de lait pour couvrir leurs charges fixes. Le marché du lait ne se régulera sur le court et moyen terme qu'avec un grand nombre de faillites d'exploitations laitières familiales. Ceci n'est pas acceptable.

Les consommateurs ont besoin d'avoir accès à des produits laitiers en quantité suffisante et au juste prix. Les producteurs de lait ont besoin de percevoir leur juste part de la valeur ajoutée du produit final en contrepartie de livraisons de lait adéquates. Les laiteries doivent pouvoir transformer efficacement le lait et vendre les produits laitiers dont l'Europe et le monde ont besoin, pas tout le lait que nos vaches peuvent produire et beaucoup plus encore.

Les instruments de couverture contre la volatilité des marchés et de nouvelles aides publiques ne sont pas la bonne réponse. Ni le retour aux anciens quotas.

La seule bonne réponse à la surproduction de lait est une régulation intelligente qui allie des mesures publiques coercitives et une analyse et une organisation des marchés adéquates. Les laiteries doivent pouvoir fournir aux producteurs des informations à jour sur leur besoin en volumes, et les producteurs doivent pouvoir s'organiser collectivement pour décider comment répondre à ces besoins. Sans intervention publique européenne, ce ne sera pas possible.

La production de lait ce n'est pas simplement la sécurité alimentaire, c'est aussi le façonnage des paysages des campagnes d'Europe, c'est l'avenir d'exploitations et des familles qui y travaillent toute l'année sept jours sur sept, et c'est toute l'activité économique qui en découle pour le secteur rural.

Merci de ne pas abandonner nos exploitations familiales."