lundi 6 avril 2020

Crise du Covid-19 : AGIR Immédiatement et Limpidement Dans le Secteur Laitier.

La production, transformation et commercialisation des produits laitiers en France sont essentiels à l’alimentation des Français durant cette crise d’une gravité et d’une violence inédite.

A ce titre, le secteur laitier en France a été jusqu’à présent relativement épargné, et ce grâce à l’extraordinaire engagement de chaque acteur de la filière pour produire, collecter, transformer et livrer ces produits laitiers dans un contexte de débouchés extrêmement chamboulés, de difficultés logistiques colossales et d’anxiété pour la santé de chacun. Je remercie chaque salarié d’usine ou de magasins, chaque chauffeur, chaque dirigeant d’entreprise, chaque élu de coopératives, chaque producteur d’avoir oeuvrer à ce que cette chaîne complexe ne se brise pas sous la tension de ces bouleversements.

Mais il est absolument impératif d’agir avec clarté, force et décision dans les plus courts délais pour éviter un désastre économique, dans notre filière comme dans tant d’autres.

Le défi de notre filière, c’est de pouvoir collecter, transformer et commercialiser le plus de lait possible, mais surtout pas trop de lait !

Les mécanismes de marché, déjà inefficients en temps normal, ne feront qu’accentuer les difficultés de chacun des acteurs. Le temps n’est plus à une logique de profits et de concurrence mais bien de solidarité totale pour que collectivement nous puissions assurer une alimentation saine et en quantité suffisante à tous. Pour qu’aucune entreprise ou exploitation laitière, beaucoup déjà fragiles avant ce choc, ne disparaisse dans le chaos.

Baisser le prix du lait aujourd’hui, c’est inciter les producteurs de lait à livrer plus de volumes tout de suite. C’est aussi condamner certaines exploitations déjà très fragiles.

Inciter à la responsabilité individuelle de chacun sans garantir la solidité collective de la filière ne peut qu’exacerber les intérêts individuels à court terme, c’est la nature humaine.

Demander que tout le lait actuellement produit soit collecté, transformé et commercialisé, c’est ignorer coupablement la réalité. Nulle entreprise de transformation ne peut fonctionner comme il y a encore 2 mois. Nul rayon de supermarché non plus. La restauration hors foyer est oblitérée, le B-to-B en grand désordre, l’export dans l’incertitude la plus totale.

Il est impératif de ne produire, collecter, transformer, commercialiser que le lait qui est commercialisable dans l’immédiat. Seuls des stocks stratégiques et pérennes « hors marché » doivent être envisagés. Tout autre mécanisme incitant au stockage de produit laitier ne fera que reporter les difficultés à un avenir totalement incertain.

Il n’y a qu’une voie possible, c’est collectivement définir et imposer des objectifs de production, transformation, commercialisation les plus efficients possibles. Toute autre demi-mesure ou incantation à la marge serait sans aucun effet, l’inaction nous mettrait tous dans le plus extrême danger.

La transparence totale des flux de matières et de valeurs dans la filière durant cette crise doit nous permettre à tous d’accepter des volumes et des prix les meilleurs possibles, dans l’intérêt de chacun pour la sauvegarde de tous.

Immédiatement, que tous les collèges du CNIEL définissent et imposent dans une coordination parfaite ce que chacun doit produire, transformer, commercialiser et avec quel retour de valeur pour chaque acteur.

Dans le cas contraire, des producteurs étranglés par une baisse de prix inonderont les transformateurs de volumes non valorisables, provoquant un réflexe de mise en concurrence exacerbée à la commercialisation et un désastre à moyen terme, extrêmement néfaste pour le pays.

Merci.

Gwendal RAOUL
Producteur de lait.