mardi 3 avril 2018

Sodiaal, de l'Âne à l'Aigle?

Il y a encore 18 mois, défendre avec conviction la stratégie de Sodiaal, et donc son paiement du lait tenait du ridicule ou de l'aveuglement, soyons clairs.

Après avoir subi et/ou toléré une gestion médiocre, voire paresseuse, de la coopérative, son conseil d'administration a décidé, avec lucidité et non sans courage, un changement général de direction, et donc un changement de Direction Générale.

Courage, car c'était admettre que les décisions passées manquaient de qualité.
Lucidité, car c'était acter que cela ne pouvait perdurer.

Car une coopérative ne peut être dirigée médiocrement, paresseusement ou même passablement.

En effet une coopérative moderne doit réussir le tour de force d'être à la fois rentable, afin d'investir dans son outil industriel, dans ses capacités d'innovation et de commercialisation, et de payer le prix maximum possible à ses principaux fournisseurs, les coopérateurs.

Cela demande une bonne dose de talent de la part de la Direction Générale, et sans flagornerie, le plan stratégique #Value de Sodiaal et sa présentation montre que le conseil d'administration de la coopérative a su le dénicher il y a un peu plus d'un an en recrutant Jorge Boucas.

Grâce à un plan d'économies détaillé, à une recherche constante et explicite de la valeur maximale du produit transformé, et à une maîtrise de la collecte de lait, on peut attendre, enfin, avec confiance une rentabilité bien plus vigoureuse qui pérennisera l'avenir de la coopérative et permettra, enfin, de reverser des ristournes dignes de ce nom aux coopérateurs.

Mais le tour de force, absolument nécessaire pour l'avenir immédiat des coopérateurs, passe aussi et forcément par une défense acharnée du prix du lait "sortie de ferme"!

En avril 2017, Sodiaal payait le lait 300 eur les 1000 l aux coopérateurs, après plus de 2 ans de crise laitière aigüe.

Les trésoreries des exploitations étaient exsangues, et le nouveau pouvoir politique a reconnu le caractère insupportable, intenable, dangereux pour l'avenir de la production en France, en ouvrant les Etats Généraux de l'Alimentation. De ces EGAlim, réunissant toute la filière laitière entre autres, sont ressorties des promesses de mesures, de loi, une charte, et aussi des assurances de loyauté mutuelle, assorties de moues dubitatives et boudeuses.

En avril 2018, Sodiaal paiera le lait autour de 300 eur les 1000 l aux coopérateurs.

Incompréhensible, absurde, révoltant! Des mois de concertation dans un cadre formel, avec des diagnostics clairs, des constats sur l'insuffisance des revenus agricoles encore plus clairs, des solutions énoncées (sans doute moins claires) pour rien.

Le prix du lait a plafonné à 335 eur en été 2017, pour une moyenne de 315 à 320 eur sur l'année.

Il y a encore quelques semaines, la FNPL évoquait une "valeur socle du lait autour de 350 à 360 eur" grâce à la prise en compte des coûts de production par voie législative.

Mais soyons, nous aussi, très clairs! Qui peut encore y croire, quand les coopératives, c'est à dire les producteurs de lait eux-mêmes, paient le lait 50 ou 60 EUR de moins en ce printemps?

 

Il y a encore quelques mois, le fait que les coopératives, les coopérateurs, et donc 55% des producteurs de lait français, formaient une seule et même entité de principe, étaient un fait oublié, raillé, au mieux très discutable.

Mais la crise, les prises de conscience sur la nécessité de retrouver une excellence de la gestion coopérative, et enfin la diffusion de l'émission Cash Investigation, qui très injustement, en mettant en exergue les pêchés, réels ou supposés, du passé (opacité, captation de la valeur, médiocrité des stratégies) passait complètement sous silence les profondes évolutions présentes, tout cela a resserré appréciablement les rangs au sein des coopératives.

Ma conviction est qu'il y a une réelle volonté de remettre le coopérateur au cœur de l'outil coopératif dans son ensemble, et non plus de le cantonner dans une "entité de collecte" bien distincte de l'outil industriel et encore plus de la holding financière.

Mais cette évolution salutaire dans les têtes et dans les cœurs coopérateurs doit absolument se concrétiser sur les comptes des exploitations, et au plus vite. Car en laissant le prix du lait stagner, voire reculer à des niveaux indignes, c'est laisser tout le système économique laitier, de nos transformateurs, leur concurrents à l'export, à la grande distribution et la restauration collective, jusqu'aux consommateurs et clients internationaux, s'habituer encore et toujours à une valeur du lait dégradée. C'est pas à pas que la reconquête de cette valeur se fera, mais tout recul est désormais à proscrire, et cela commence bien sûr dans les cours de nos fermes.

Soyons encore plus clairs! Oui, le consommateur final devra payer les produits laitiers un peu plus cher, en France ou ailleurs, de quelques pourcents en plus.

Non le prix du lait n'atteindra pas 400 EUR dans les prochains mois, c'est malhonnête de le brandir comme un argument de propagande.

Mais il est impératif que ce soit les coopératives, représentantes primordiales des producteurs de lait en France, qui entament ce long parcours d'obstacles, pied à pied, euro par euro, de reconquête de la Valeur de Notre Lait! Et dés aujourd'hui! Les autres suivront, bon gré mal gré...