Il y a encore 18 mois, défendre avec conviction la stratégie de
Sodiaal, et donc son paiement du lait tenait du ridicule ou de
l'aveuglement, soyons clairs.
Après avoir subi et/ou
toléré une gestion médiocre, voire paresseuse, de la coopérative, son
conseil d'administration a décidé, avec lucidité et non sans courage, un
changement général de direction, et donc un changement de Direction
Générale.
Courage, car c'était admettre que les décisions passées manquaient de qualité.
Lucidité, car c'était acter que cela ne pouvait perdurer.
Car une coopérative ne peut être dirigée médiocrement, paresseusement ou même passablement.
En effet une coopérative moderne doit réussir le tour de force d'être à la fois rentable, afin d'investir dans son outil industriel, dans ses capacités d'innovation et de commercialisation, et de payer le prix maximum possible à ses principaux fournisseurs, les coopérateurs.
Cela
demande une bonne dose de talent de la part de la Direction Générale,
et sans flagornerie, le plan stratégique #Value de Sodiaal et sa
présentation montre que le conseil d'administration de la coopérative a
su le dénicher il y a un peu plus d'un an en recrutant Jorge Boucas.
Grâce
à un plan d'économies détaillé, à une recherche constante et explicite
de la valeur maximale du produit transformé, et à une maîtrise de la
collecte de lait, on peut attendre, enfin, avec confiance une
rentabilité bien plus vigoureuse qui pérennisera l'avenir de la
coopérative et permettra, enfin, de reverser des ristournes dignes de ce
nom aux coopérateurs.
Mais le tour de force, absolument nécessaire pour l'avenir immédiat des coopérateurs, passe aussi et forcément par une défense acharnée du prix du lait "sortie de ferme"!
En avril 2017, Sodiaal payait le lait 300 eur les 1000 l aux coopérateurs, après plus de 2 ans de crise laitière aigüe.
Les
trésoreries des exploitations étaient exsangues, et le nouveau pouvoir
politique a reconnu le caractère insupportable, intenable, dangereux
pour l'avenir de la production en France, en ouvrant les Etats Généraux
de l'Alimentation. De ces EGAlim, réunissant toute la filière laitière
entre autres, sont ressorties des promesses de mesures, de loi, une
charte, et aussi des assurances de loyauté mutuelle, assorties de moues
dubitatives et boudeuses.
En avril 2018, Sodiaal paiera le lait autour de 300 eur les 1000 l aux coopérateurs.
Incompréhensible, absurde, révoltant! Des
mois de concertation dans un cadre formel, avec des diagnostics clairs,
des constats sur l'insuffisance des revenus agricoles encore plus
clairs, des solutions énoncées (sans doute moins claires) pour rien.
Le prix du lait a plafonné à 335 eur en été 2017, pour une moyenne de 315 à 320 eur sur l'année.
Il
y a encore quelques semaines, la FNPL évoquait une "valeur socle du
lait autour de 350 à 360 eur" grâce à la prise en compte des coûts de
production par voie législative.
Mais soyons, nous aussi, très clairs! Qui peut encore y croire, quand les coopératives, c'est à dire les producteurs de lait eux-mêmes, paient le lait 50 ou 60 EUR de moins en ce printemps?
Il
y a encore quelques mois, le fait que les coopératives, les
coopérateurs, et donc 55% des producteurs de lait français, formaient
une seule et même entité de principe, étaient un fait oublié, raillé, au
mieux très discutable.
Mais la crise, les prises de
conscience sur la nécessité de retrouver une excellence de la gestion
coopérative, et enfin la diffusion de l'émission Cash Investigation, qui
très injustement, en mettant en exergue les pêchés, réels ou supposés,
du passé (opacité, captation de la valeur, médiocrité des stratégies) passait complètement sous silence les profondes évolutions présentes, tout cela a resserré appréciablement les rangs au sein des coopératives.
Ma
conviction est qu'il y a une réelle volonté de remettre le coopérateur
au cœur de l'outil coopératif dans son ensemble, et non plus de le
cantonner dans une "entité de collecte" bien distincte de l'outil
industriel et encore plus de la holding financière.
Mais
cette évolution salutaire dans les têtes et dans les cœurs coopérateurs
doit absolument se concrétiser sur les comptes des exploitations, et au
plus vite. Car en laissant le prix du lait stagner, voire reculer à des
niveaux indignes, c'est laisser tout le système économique laitier, de
nos transformateurs, leur concurrents à l'export, à la grande
distribution et la restauration collective, jusqu'aux consommateurs et
clients internationaux, s'habituer encore et toujours à une valeur du
lait dégradée. C'est pas à pas que la reconquête de cette valeur se
fera, mais tout recul est désormais à proscrire, et cela commence bien
sûr dans les cours de nos fermes.
Soyons encore plus
clairs! Oui, le consommateur final devra payer les produits laitiers un
peu plus cher, en France ou ailleurs, de quelques pourcents en plus.
Non
le prix du lait n'atteindra pas 400 EUR dans les prochains mois, c'est
malhonnête de le brandir comme un argument de propagande.
Mais il est impératif que
ce soit les coopératives, représentantes primordiales des producteurs
de lait en France, qui entament ce long parcours d'obstacles, pied à
pied, euro par euro, de reconquête de la Valeur de Notre Lait! Et dés aujourd'hui! Les autres suivront, bon gré mal gré...