lundi 15 août 2016

Le Fonds Laitier

I. Pourquoi créer ce fonds?

Au bout de plus de 20 mois de crise, il devient évident que les acheteurs de lait français, notamment les transformateurs privés, peuvent payer un prix du lait bien supérieur à celui qu'ils octroient à présent, mais ne le veulent pas. La valorisation des Produits Grandes Consommations, en France et à l'export, permet à nombre d'industriel de publier, pour ceux qui le font, des résultats en très forte hausse sur 2015, et 2016 ne s'annonce pas forcément moins prometteur.

C'est parfaitement révélateur de l'absence de rapport de force entre producteurs et acheteurs, ce qui explique aussi l'absence de résultats concrets obtenus par les OP.
La proposition suivante est sans doute susceptible d'établir ce rapport de force, de donner les arguments nécessaires aux OP dans leurs négociations.

II. Modalités

A. Création d'une nouvelle Cotisation Volontaire par la profession, prélevée sur la paie de lait: 5 à 10 EUR les mille litres (à déterminer). Soit 125 à 250 millions d' EUR par an.
Par exemple, au bout de 6 ans, le capital de 750 M à 1.5 Milliards d'EUR permettrait de financer une grève totale du lait de 45 à 90 jours (bien sûr, c'est le RISQUE de déclenchement de cette grève qui est l'objectif visé, pas sa réalisation).

B. Placée sur un Fonds Solidaire d'Épargne Laitier "Grève du Lait TOTALE", bien sûr rémunéré et avec toutes les garanties juridiques requises pour protéger les contributeurs, avec blocage des fonds pour 2 ou 3 ans (assurer sa stabilité, conditions de retrait anticipé possible, par exemple en cas de besoin urgent).

C. Remboursable (mais évidemment on peut laisser son capital aussi longtemps que l'on veut) sur demande ensuite.

D. Envoi du relevé de compte, certifié par huissier, à tous les acheteurs chaque mois: la publicité du montant de ce fonds étant sa force de dissuasion même.

E. Utilisé en dernier recours bien sûr pour financer une grève du lait totale et illimitée (auquel cas nous perdons nos fonds, totalement ou en partie bien sûr. Principe de "l'arme nucléaire, jamais utilisée, mais efficace par sa seule existence").

La constitution de ce fonds modifierait profondément le rapport de force, de manière progressive d'abord, puis définitivement une fois son volume "complété" et notre détermination établie.

Ce fond pourrait être assimilé à une Épargne Retraite, avec éventuelle possibilité d'obtenir une défiscalisation des versements.

Il viserait à prouver notre capacité à se mobiliser, et ce sans risque aucun (si ce n'est la possibilité non souhaitée d'effectivement devoir déclencher une grève totale du lait pendant une longue période).

Le pouvoir de négociation des OP/AOP s'en trouverait considérablement renforcé, et la solidarité de tous les producteurs de lait seraient établie.

Cette initiative ne relève que de nous, producteurs, et pas des pouvoirs publics français ou européen.

III. Bénéfices pour la filière dans son ensemble

Si l'on considère qu'un tel fonds laitier peut avoir un effet de persuasion, puis de dissuasion et enfin de perturbation grave en dernier recours, examinons les effets secondaires, par ricochet, qu'on peut en espérer.

Comme une onde, créée par un choc initial, son effet se propagera, avec évidemment une force diminuant au fil des maillons de la filière bien entendu.

Les GMS, étant conscientes du pouvoir nouveau des producteurs, seront donc moins empressées d'obtenir des baisses de prix toujours plus importantes, si elles savent que les producteurs ne sont plus une variable d'ajustement impuissante.

L'Etat, conscient de notre capacité à perturber, chercherait enfin peut être plus les solutions de long terme que des mesurettes, des saupoudrages a très court terme, qui en plus deviendraient moins nécessaires.

Les entreprises laitières, quand elles seront à la recherche de financement (bancaires ou boursiers), seront aussi face à des partenaires conscients de notre pouvoir de perturbation, et donc plus soucieux de nous garder "satisfaits et dociles". Aujourd'hui c'est par un prix subi et une incapacité à peser, demain ce serait par notre unité et notre capacité à perturber, donc par un prix assurant la "paix laitière".

La combinaison de tous ces effets permettraient d'obtenir une ambiance sur les prix moins tendue, chacun souhaitant un approvisionnement régulier plutôt qu'une guerre des prix résultant dans une grave pénurie.

IV. Extension dans le domaine de la Régulation de la production

On peut aussi imaginer que ce Fonds soit utilisé comme outil de régulation, d'abord au niveau français

- En cas de surproduction, une cotisation "à 100%" sur le volume à réduire (1, 2, 3% ou plus) pourrait être appliquée sur tous les producteurs, décourageant ainsi fermement de produire ces volumes non désirés.

- Quand une pénurie conjoncturelle (hausse de la demande, pénurie de fourrage dans certaines régions etc...) apparaît, les prix montent. Une surcotisation ponctuelle (par exemple de 20, 30, 40 EUR) au même moment permettrait d'encourager les producteurs à augmenter leur production, le ressenti du prix haut étant atténué, les besoins de trésorerie immédiats restant constants, la solution de l'augmentation des volumes seraient incitées. Cette surcotisation pourrait évidemment être ciblée sur certains producteurs, d'autres non à même d'augmenter leur production pourrait être exemptés.

Loin d'être une taxe à fonds perdu, ces surcotisations seraient versées sur un compte bis, propriété du producteur, mais bloqué pendant longtemps, pourquoi pas jusqu'à la retraite.
La régulation se ferait par les besoins de trésorerie immédiats, tout en confortant l'épargne à long terme des producteurs. Tout ceci sans coûter un centime à l’État.

Évidemment, si notre exemple était étendu à toute l'Europe, nous aurions une régulation parfaitement gratuite, gérée par les organisations de producteurs, et en plus préservant absolument les intérêts financiers des producteurs à long terme via une épargne accrue. Enfin, des producteurs puissants partout en Europe, ce serait des prix plus élevés partout, une production régulée donc, beaucoup moins de concurrence acharnée sur les prix.

Tout ceci sans quota, sans achat de droit à produire, sans surcote des exploitations pour les nouveaux accédants (sinon une valeur économique augmentée).

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